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Le journal d'un marocain au Canada
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Le journal d'un marocain au Canada
3 juillet 2006

Le grand Maroc

Histoire secrète : Comment notre Sahara a été amputé ?

Le processus qui a amené Hassan II à abandonner une part du Sahara oriental nous aide à mieux comprendre les relations entre le Maroc et l’Algérie, aujourd’hui sur le point de renégocier pour le sort de l’autre Sahara, occidental celui là. Analyse, par Driss Ksikes

Quand ce politicien, méconnu, du nom de Mohamed Alouah est sorti de l’ombre le 3 novembre dernier pour revendiquer 38% du territoire algérien, il a carrément créé un incident diplomatique. Normal, le sujet est officiellement clos et le tracé des frontières définitif est publié au Bulletin officiel depuis 1992.

S’il a dérangé, c’est parce que les deux pays s’apprêtent, sous pression internationale, à reprendre le chemin des négociations. Autrement dit, "le timing est mal choisi pour retourner le couteau dans les plaies", commente un connaisseur des relations tendues entre les deux pays limitrophes. Incidemment, cela nous apprend qu’il y a une part de vérité dans les propos "désinvoltes" d’Alouah. La leçon de l’histoire vaut, donc, le détour. D’autant que rien dans les manuels d’histoire au Maroc n’explique aux jeunes comment Tindouf, Béchar, Ich, Kenadsa, Beni Ounnif, Hassi Baïda, Tinjoub et autres localités, introuvables sur notre carte, hier encore sous l’autorité du Makhzen, sont passés du côté algérien. Or, l’histoire des négociations secrètes, des fausses promesses du premier président de l’Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella, de la flexibilité excessive de Hassan II sur cette question des frontières communes, est lourde d’enseignements.

Comment Alger a hérité du flou colonial

"Le Maroc n’est pas une simple continuation de l’Algérie mais il serait absurde d’établir entre notre colonie et les régions qui l’avoisinent une cloison étanche", écrivait André Bernard en 1901 pour justifier la politique de la France envers "les confins algéro-marocains". Le flou créé sous le protectorat a eu comme effet d’amputer le Maroc de Tindouf et Jehifat, pour des raisons minières, de Béchar pour faciliter la construction d’une ligne ferroviaire, et une fois la guerre d’Algérie déclenchée, de Beïda, Tinjoub et Zegdou pour "éviter l’infiltration du FLN par le Sahara marocain", rapporte Mohamed Maazouzi, conseiller de Hassan II en matières frontalières. Au lendemain de l’indépendance, chaque pays avait une position à défendre. Dans un premier temps, solidarité maghrébine et nationale obligent, "Mohamed V et plus tard Hassan II avaient refusé de négocier la question des frontières avec Paris tant que l’Algérie n’avait pas recouvert son indépendance", raconte Maazouzi. Une fois les deux pays sur le même pied d’égalité, chacun affûtait ses arguments. Rabat maintenait que les limites administratives posées par Varnier en 1912 et Trinquet en 1938 étaient en faveur des départements français d’Algérie et au détriment de la souveraineté du Maroc, vaguement représentée alors par des mokhaznis en poste et confirmée par les accords antérieurs de Lalla Maghnia. Mieux, dans un élan confraternel, le 6 juillet 1961, Hassan II a réussi à signer à Rabat un protocole d’accord avec le président du gouvernement provisoire de la république d’Algérie, Ferhat Abbas, lequel "reconnaît que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa résolution dans les négociations entre le gouvernement du royaume du Maroc et celui de l’Algérie indépendante". Entre temps, depuis le milieu des années 50, la France qui avait des visées sur la région et ne comptait pas la rétrocéder, a créé un ministère du Sahara et une organisation commune des régions sahariennes OCRS, qui établissait Bechar et Tindouf, par exemple, en départements dépendant de la métropole. Depuis le 16 mars 1962, une convention paritaire franco-algérienne a hérité du dossier et s’est considérée comme "un prolongement naturel de la tutelle française sur ces localités". Rien n’y a fait. Les tentatives de récupérer les territoires menées par l’armée de libération nationale ont été "contrecarrées aussi bien par nos homologues algériens que par les FAR", raconte Bensaïd Aït Idder. Et les manifestations spontanées des Tindoufis en faveur de la marocanité de leur ville ont été matées. "Lorsque feu Hassan II s’est rendu à Alger le 13 mars 1963, pour rencontrer le président Ben Bella, il a rapporté des preuves historiques, des cartes, pour régler le différend frontalier. C’est comme s’il tenait une clef pour ouvrir une serrure rouillée", raconte Adbdelhadi Boutaleb, qui l’accompagnait. "Je lui ai dit, il y a quand même Tindouf, vous ne pouvez vraiment pas méconnaître que Tindouf est certainement, parmi toutes les injustices, la plus flagrante et la plus patente", rapportait le roi défunt, prêt alors à toutes les concessions sauf celle-ci. Sur un ton rassurant, mais trompeur, Ben Bella lui a répliqué :"Il ne saurait être question pour les Algériens d’être purement et simplement les héritiers de la France en ce qui concerne les frontières de l’Algérie". Le roi a pris cela pour une promesse, mais comme le dit Ben Bella dans une interview accordée à Al Jazeera, "il n’y a jamais eu un engagement écrit ". Il fallait donc s’attendre à un volte-face. La preuve, à peine Ahmed Réda Guedira, directeur du cabinet royal, et Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères alors, s’étaient réunis le 5 octobre 1963 à Oujda pour "réaffirmer le principe de non-ingérence" entre les deux pays, que l’armée algérienne s’est empressé de le violer. Ses incursions enregistrées à Hassi Baïda et Tinjoub, mais aussi les attaques violentes contre les postes d’Ich, à 50 km de Figuig, et un viol de l′espace aérien de la région de Tindrara (près d’Oujda) ont été le prélude à la fameuse guerre des sables. Derrière cette volonté hégémonique, il y avait une Algérie sortie héroïque de sa guerre d’indépendance, portant des projets d’industrialisation par lesquels elle justifiait sa mainmise sur des régions riches sur le plan minier et énergétique. Contre les revendications marocaines, elle se référait aux textes concoctés à l’OCRS et se prévalait d’une couverture française. Valéry Giscard d’Estaing n’avait-il pas déclaré au Nouvel Observateur : "Le Maroc ne pourra plus jamais récupérer Tindouf".

Comment Hassan II a cédé

Le roi défunt a eu plusieurs occasions pour récupérer son dû. Surtout que Ben Bella lui a envoyé un message sans équivoque, par la voie de Boutaleb et Medbouh, alors conseiller militaire du roi, l’informant que "la question des frontières est un problème imaginaire. Il faudrait cesser d’en parler aujourd’hui pour le dépasser plus tard, ajoutant que le système monarchique se doit d’affronter ses problèmes internes et savoir que le système algérien est blindé". Cela a été l’élément déclencheur entre les deux pays, mais lorsque les FAR étaient à 20 km de Tindouf, l’ordre leur a été intimé par le roi de rebrousser chemin. Le colonel Driss Benomar est alors rentré voir le roi dans tous ses états, remettant son trier comme signe de démission. Il lui a dit, en présence de Guédira, Balafrej et Boutaleb, "il est inacceptable dans la logique de guerre et de par les traditions militaires, qu’une armée victorieuse revienne sur ses pas, comme si elle avait perdu". "Le roi devait alors gérer des données plus complexes. L’Algérie était plus forte idéologiquement, avait le soutien de Nasser, et la sympathie d’une partie de la rue marocaine, emmenée par une gauche impressionnée par le modèle algérien", explique Larbi Messari. C’est d’ailleurs dans cet élan de sympathie pro-algérien, dans des temps difficiles, que Mehdi Ben Barka s’est rendu à Hassi Baïda affirmer son soutien au projet révolutionnaire algérien. Ce qui lui a valu sa condamnation à la peine de mort. C’est donc face à un Maroc divisé et devant une Algérie prestigieuse que le Maroc s’est retrouvé à Bamako dans une commission instaurée par l’OUA pour régler le litige frontalier. Mais suite à l’assasinat de Ben Barka, et la révolte du 23 Mars 1965, et face à l’entêtement d’une Algérie alimentant le sentiment antimonarchique, le roi a décidé de se retirer de cette commission et d′abandonner l’affaire. Dans la foulée, l’ambition algérienne s’est confirmée par la nationalisation de la mine de fer la plus importante et la plus controversée entre les deux pays, Garat Jbilat. Quatre ans plus tard, et suite à des contacts téléphoniques au sommet avec le nouveau président Houari Boumedienne, une rencontre à Ifrane puis une seconde à Tlemcen allaient entériner le vœu longtemps caressé par les Algériens, à savoir garder toutes les localités spoliées et ensuite avoir un accès par une ligne ferroviaire à l’Atlantique pour acheminer leurs minerais et productions industrielles. Ils allaient de la sorte réaliser le vieux rêve français de créer une ligne ferroviaire transsaharienne qui affrêterait à partir d’Agadir. L’accord n’a pas abouti. Boutaleb, alors ministre des Affaires étrangères, ne disposait d’aucun dossier sur l’affaire. "Tout se gérait au téléphone entre les deux chefs d’État". Lorsqu’il devait conclure avec Bouteflika les modalités à Lusaka, il s’est rendu compte que l’Algérie voulait le beurre et l’argent du beurre. Le projet, tel que prévu par le roi et le président, prévoyaient une co-exploitation équitable de la mine, mais le ministre algérien, parlant au nom de l’État à son homologue, lui a fait savoir que "seul l’usufruit pouvait être partagé". Lorsque le 15 juin 1972, les deux pays finissent par signer la convention qui fixe définitivement le tracé des frontières (elle n’a été publiée au Bulletin officiel qu’en 1992), Hassan II est affaibli par les coups d’État et commence déjà à songer à une solution plus pérenne pour le Sahara occidental. Il en a fait part dans une réunion à huis clos des chefs d’Etat islamiques en 1970. "Il voulait réfléchir longuement pour arriver à une solution qu’il négocierait avec l’Algérie", rapporte Boutaleb.

Quelles leçons tirer d’une histoire enterrée

Nous en sommes encore là. La visite probable du roi Mohammed VI à Alger annonce un nouveau cycle de négociations. Mais que nous apprennent les cycles précédents. Primo, estime Messari, "si les forces politiques étaient unanimes à l’époque, Hassan II n’aurait pas été en position de faiblesse". D’où le prétexte trouvé en 1975 de lier la résolution du problème du Sahara à une forme de consensus national. D’où également le discours dominant d’aujourd’hui qui insiste sur "l’entente nationale à ce sujet". Est-elle toujours productive ? Doit-elle toujours fonctionner selon les mêmes critères de pensée unique et de sacralisation ? Deuxio, si la France est aussi fermement aux côtés du Maroc sur la question du Sahara occidental, c’est aussi parce qu’elle a été entièrement pro-algérienne sur l’affaire du Sahara oriental. La preuve, lorsque l’Algérie a évoqué la quatrième voie, faisant écho au projet d’accès à l’Atlantique, Paris ne l’a pas soutenu, ne serait-ce que par nostalgie. Tertio, le fonctionnement de la diplomatie marocaine en matière de négociations, comme le critique Boutaleb, ne s’est pas modernisé depuis. La concertation élargie n’est pas encore notre fort. Et le recours aux experts encore très limité dans ce domaine réservé. Enfin, le Maroc, dans les conflits territoriaux (avec la Mauritanie, l’Algérie, l’Espagne), a souvent cédé, sans contre-partie. Aujourd’hui, réussira-t-il à négocier et à se garder une belle marge de manœuvre ? L’histoire nous le dira.

Source : http://www.sahara-marocain.com/article283.html

Et un lien interessant, l'émission le dessous des cartes d'ARTE

http://video.google.com/videoplay?docid=5467680877557912098&q=maroc


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